A l’époque du développement
des nouvelles technologies, l’accessibilité à Internet est-elle égale pour
tous ?
La
mondialisation s’est accompagnée de l’extension des réseaux de communication et
de l’augmentation du flux des informations échangées dans le monde. Cette
observation place Internet parmi les vecteurs de développement. Les réseaux qui
constituent un maillage entre personnes publiques et privées au-delà des
frontières, se développent de manière inégale dans le monde. De nombreux
territoires du globe font face aux limites de l’accès à Internet. La fracture
numérique prend alors des formes diverses en fonction des continents, des pays
et des régions… Dans les pays du Nord les indicateurs d’accès à internet
s’intéressent aux nombres d’abonnés et au nombre d’utilisateurs. Or ces
indicateurs semblent être biaisés dans les Pays du Sud compte tenu du coup de
la vie. Prenons l’exemple du continent africain qui présente une dualité. Les territoires
aux extrémités, Afrique Australe et Afrique du Nord, rassemblent l’essentiel
des connexions Internet du continent. A contrario du reste de l’Afrique qui
bénéficie d’une faible couverture de réseau Internet, il convient de
s’intéresser à de nouveaux indicateurs[1] pour
comprendre la fracture numérique. Cette dernière montre que les accès à
l’Internet et aux Technologies d’Information et de Communication TIC sont
freinés par des problématiques connexes : la faiblesse des réseaux
électriques, le coût des nouvelles technologies, la répartition des antennes
relais, la formation à la bureautique…
Ce constat
frappe notamment le bassin du Congo tant sur les populations urbaines que sur
les populations rurales. Dans cette sous région, le développement d’Internet
est au cœur de multiples enjeux transversaux.
Pourquoi les populations du bassin du Congo ont-elles
tant besoin des nouvelles technologies de communication ? Est-ce que ces
dernières représentent des enjeux de développement ?
Au centre des enjeux de développement multiples, les
accès à l’Internet et aux Technologies de l’Information et de Communication TIC
renvoient aux leviers culturels, politiques et socio-économiques[2].
Quelques exemples éclaircissent notre vision.
Premièrement sur le plan socio-économique l’Internet
et les TIC permettent la réalisation de gains de productivité et d’efficacité,
le développement du e-commerce et l’expansion des transactions. A cela il faut
ajouter la création de nouveaux services et emplois liés aux métiers de
l’internet, de la communication, de la bureautique mais aussi des secteurs
classiques de la formation, de l’agriculture, de l’industrie et de la santé.
Deuxièmement, sur le plan politique, les enjeux sont,
pour les pays du Sud, d’accéder et participer aux échanges des informations (rapports,
législations, accords, fonctionnements) relatives aux institutions nationales
et internationales. Par conséquent, ces territoires pourront participer au
mieux à la coopération internationale décentralisée.
Troisièmement
sur le plan culturel, les enjeux sont la valorisation du patrimoine local et le
vivre ensemble.
En somme,
Internet est un vecteur important dans la résolution des Objectifs du
Millénaire pour le Développement que tous les pays du bassin du Congo sont
décidés à atteindre.
Des enjeux au Nord ?
Les enjeux de
l’Internet et des TIC dans le développement du bassin du Congo sont à mettre en
parallèle avec les enjeux de développement environnementaux et économiques et
notamment celui du recyclage des Déchets d’Equipements Electriques et
Electroniques DEEE en Europe et plus particulièrement en France. Selon le
WeeeForum[3] qui
regroupe 41 éco-organismes européens, la France a engendré 73 483 t de DEEE en 2011.
Si ce chiffre reste une évaluation approximative des déchets annuels totaux,
force est de constater que les ménages gardent encore leur DEEE à la maison sous
la forme d’outils usés, démodés ou encombrants.
Le gisement représente 1,7 million de tonnes en France selon ADEME.
Aux enjeux
économiques, notamment dans la création d’une filière de recyclage, de la
création des emplois, de la régénération des matériaux recyclés comme le fer
(18% des DEEE en 2011) se mêlent des enjeux environnements et sociétaux. Le
recyclage des déchets DEEE serait en premier temps une alternative à
l’exploitation des ressources minières, et ensuite, un moyen de lutte contre la
pollution (5% de polluants sécurisés et 4% de plastique).
Après plus d’une décennie de
politiques publiques de développement du réseau, l’heure est au constat…
En 2003, les Nations Unies
reconnaissent[4] déjà que la plupart des
réseaux de télécommunications en Afrique se caractérisent par l'insuffisance de
leur bande passante (la quantité de données transmises par une ligne de
communication) et par la cherté des appels. Si depuis une dizaine d’années, des
efforts d’extension du réseau et des services ont été réalisés par les
opérateurs du secteur privé, la connexion à Internet reste à bas débit pour la
majorité des usagers. Au cours du temps, différentes TIC ont fait apparition
dans le quotidien des populations. Prenons l’exemple du Congo Brazzaville :
-
Les ordinateurs sont rencontrés majoritairement
dans les cybercafés puis au bureau. Le coût du matériel informatique ne permet
pas à tous les ménages de s’équiper (le smic au Congo s’élève à 60€ au moment
où un Netbook coûte 200€). Cependant on observe une augmentation des abonnés à
Internet au domicile dans les deux grandes villes du Congo (Brazzaville et Pointe-Noire).
-
Les téléphones se sont répandus parallèlement au
développement des réseaux téléphonique sans fil. Ces dix dernières années les
deux principaux opérateurs du Congo ont relié les villes principales aux
agglomérations secondaires et tertiaires du Congo en fournissant les services
Appels, Sms et Internet. Les stratégies commerciales de certains opérateurs locaux
proposant l’accès aux différents réseaux sociaux via internet mobile en
illimité, ont initié un engouement réel dans une catégorie de la
population : lycéens et étudiants.
A contrario
des offres en illimité, le coût des téléphones capables de se connecter (via le
réseau Edge, 3G, Wifi…) et le coût des cartes de recharge d’unités pour surfer
librement sur tous les sites représente de réels freins.
-
Les clés et modems de connexion mis en vente par
les opérateurs sur le marché présentent deux inconvénients majeurs : la
faiblesse du débit qui rend les connexions quasiment impossible en journée et
le coût. Les opérateurs téléphoniques présentent des offres d’abonnement à
Internet qui oscillent entre 30 et 45 € par mois tandis que les Fournisseurs
d’accès à Internet ont des offres qui oscillent entre 150 et 300 € par mois
(hors coût d’achat du matériel).
-
Les réseaux satellites sont essentiellement
utilisés par les opérateurs privés en attendant le raccordement par fibre
optique et le développement de ce nouveau réseau.
Pourquoi le bassin du
Congo ?
Le Bassin du
Congo connaît un fort essor économique grâce aux revenus du Pétrole, de
l’exploitation forestière et de l’industrie minière. L’accès au réseau pourrait
favoriser d’une part les échanges entre les entreprises des filières, les
marchés internationaux et les autres acteurs pour pérenniser le développement.
D’autre part les acteurs locaux auront facilement accès aux cours des matières
premières.
A une époque
où l’agriculture traditionnelle est mise en avant en Europe, les populations
africaines possèdent un patrimoine agricole associé au respect de la
biodiversité. Un équilibre qui semble être recherché par les pays du Nord. Une
connexion Internet permettrait donc un échange international très important
pour le maintien de l’agriculture paysanne et biologique, la protection des
cultures et l’alimentation. Puis elle place l’agriculteur au centre des
échanges internationaux en améliorant sa connaissance sur l’évolution des prix
des denrées.
Les travaux
d’inventaire du patrimoine local dans le bassin du Congo sont en cours de
gestation. La richesse du patrimoine local peut être valorisée par des
partenariats entre les collectivités territoriales, les universités et la
société civile par le biais de l’Internet. Il serait primordial d’éviter
l’introduction de dérives culturelles liées à l’abus de l’internet (jeux
d’argents, sites prohibés…).
La
problématique du livre et l’accès à la connaissance se pose dans le bassin du
Congo en termes de faiblesse de bibliothèque (ou centre de documentation), de
faiblesse de l’offre quantitative et surtout de la disparité. Internet peut
être assimilé à une bibliothèque évolutive à l’échelle mondiale. L’accès au
réseau correspond donc à l’accès aux sources bibliographiques, universitaires,
publiques nécessaires à la recherche, à l’éducation et à la formation
professionnelle.
[1] Nouveaux
indicateurs : Télédensité (nombre de lignes téléphoniques fixes rapporté à la
population)., à la Densité
d’utilisateurs d’Internet, Densité d’ordinateurs connectés, Densité de Fournisseurs de Services Internet
(Cyber café, Fournisseurs d’accès…) et Densité de débit international.
[2] BOULC’H Stéphane, COTA-
Fiches Communication, Changement social et développement participatif 2005
[3] WeeeForum : European association of
Electrical and Electronic Waste. Sa mission est de fournir une plate-forme pour la coopération et l'échange des meilleures pratiques sur le traitement des déchets
DEEE. Il forme un centre de compétence qui permet aux membres de faire des contributions constructives au débat général sur les
questions de
politique des
déchets électroniques.
[4] MUTUME Gumisai, L'Afrique lutte contre la fracture numérique, Les
nouvelles technologies de l'information transforment la vie de ceux qui y ont
accès, Afrique Relance, Vol.17#3, 2003